Comme convenu :
[quote]Pour précision quand même, la pharmacopée vétérinaire est infiniment plus restreinte que la pharmacopée humaine. De très loin. Il nous est donc plus aisé de la maitriser que ce le serait pour un médecin. Les erreurs de prescriptions sont donc assez rares.
Nous connaissons parfaitement la physiologie de chaque espèce avec leurs particularités (toxicités selon espèce mais aussi différence de posologie importante d'une espèce à l'autre pour la même molécule et la même indication). Nous connaissons parfaitement les contraintes en terme de résidus dans les productions, la durée de gestation par espèce, le devenir de chaque produit, etc. (notions inexistantes en humaine). Ce n'est clairement pas le cas des pharmaciens (y compris avec le DU à mon avis vu les volumes horaires que ça représente). Ces connaissances sont un à priori indispensable et forcément préalable pour pouvoir prétendre à la moindre compétence de contrôle d'ordonnance par le pharmacien.
Au passage, un nombre non négligeable (même si très minoritaire) de mes ordonnances est délivré en pharmacie pour des raisons x ou y. Il n'y a jamais eu la moindre remarque ni le moindre changement par les différents pharmaciens en près de 15 ans. Sauf un qui a refusé une délivrance de levothyrox à un chien hypothyroidien en disant qu'on allait le tuer à cette dose... Sauf qu'il n'y avait pas d'erreur. Le dosage est très supérieur chez le chien (comme les anti histaminiques par exemple). J'ai eu toutes les peines du monde à faire traiter ce chien par ces maîtres et le pharmacien a pris un savon au téléphone.
Contrairement à l'humaine, il n'y a pas pour un patient passage entre de nombreux praticiens plus ou moins bien coordonnés dont chacun empile ses prescriptions propres, que le MG peine à synthétiser et où le pharmacien a donc toute sa place pour faire le tri et contrôler les intéractions. Le prescripteur unique (ou au pire un référé en plus mais très exceptionnellement plusieurs), ça limite les prescriptions inadaptées par méconnaissance de ce qu'un autre avait déjà mis en place.
Contrairement à l'humaine, le client paie sa facture de ses deniers, qui plus est additionnée aux actes médicaux ou chirurgicaux, qui plus est avec une TVA à 20% et des médicaments qui n'ont pas de prix écrasés par la sécu (mais du coup on n'a pas non plus de traitements à 200 000 €...). Ce guichet unique nous incite très fortement à limiter à l'essentiel les médicaments prescris.
Les ordonnances à plus de 4 lignes sont ainsi minoritaires et on n'en émet jamais à 15 lignes comme on en voit parfois de certains médecins (quand des pharmaciens s'en émeuvent et les publient).... Il est impressionnant de voir le débit de médicaments de nombreuses personnes agées. C'est quand même plus modéré chez l'animal, ce qui limite aussi le risque d'erreur. (et dire au passage que c'est nous qui sommes taxés de soit disant conflit d'intérêt...)
Bref quand on tient compte de tout ça, on ne voit clairement pas quel apport significatif le pharmacien représente en médecine vétérinaire (qu'il se concentre sur l'humaine où il est fort utile et où visiblement il a du boulot s'il veut faire correctement son travail), surtout compte tenu du fait que rajouter le pharmacien entre le prescripteur et le client en véto signifie forcément le rémunérer pour ce travail. Une charge supplémentaire pour le client sans bénéfice associé (ou alors plus que rarement), c'est difficile et inutile en canine, criminel en rurale.
Quand en plus on tient compte du fait qu'en moyenne malgré la délivrance (vente) de médicaments très majoritaire, un vétérinaire libéral gagne en moyenne 50% de ce que gagne un pharmacien titulaire (55 à 60 k€/an vs >100 k€) d'après toutes les données annuelles des associations agréées, que la rurale sans vente du médicament est vouée à la disparition immédiate, que la profession en milieu rural a déjà bien du mal à ne pas se désertifier sans que la perte du médicament ne fasse fondre le revenu... Est-ce vraiment une bonne idée que le pharmacien se batte pour récupérer ce créneau ?
Cerise sur le gâteau : les gardes. En véto, entre 1/2 et 1/4 en moyenne. Peu de tours de garde significatifs sauf très grandes métropoles et canine stricte. La garde c'est sorties de nuits, interventions extérieures, par vent/pluie/neige/blizzard..., chirurgies, coups de pieds de vache ou de cheval, morsures, griffures, stress... Et les périodes d'astreinte ne sont pas rémunérées par l'état. Là encore c'est le bénéfice lié au médicament qui abonde pour combler le déficit du système de garde (quand un salarié est de garde, s'il n'est pas dérangé, il ne rentre aucun CA mais il faut bien lui payer son astreinte, et ça coute très cher). Et jusqu'ici, on a plutot des gens qui nous disent qu'on est plus disponibles qu'en humaine pour les gardes malgré ça.
Voilà pourquoi le système actuel fonctionne plutôt pas si mal et qu'il serait dangereux de le déstabiliser. Une fois qu'on a fait et expliqué la prescription, l'acte de délivrance est celui qui nous prend le moins de temps au vu bénéfice qu'il apporte. Ca équilibre tout ce qu'on fait à perte (comme aller délivrer une vache à 30 km pour 80€HT et 1h30 de temps de bac+7 consommé).
Nous ne parlons pas de dispensation mais de délivrance en ce qui nous concerne. Aucun (ou très peu il y a des brebis galeuses dans toute profession) ne considère qu'il s'agit d'une vente pure et nos prescriptions sont faites si justifiées et pas pour engranger un bénéfice, sans quoi on ajouterait juste la somme à nos actes : on pourrait gagner bien plus en présentant de plus petites factures.
Il faut juste intégrer que la médecine véto est très différente dans sa pratique de la médecine humaine et que donc ce qui a un intérêt en humaine n'en a pas forcément en véto, d'autant moins qu'il n'y a pas la sécu pour assumer un intervenant de plus. et que en véto, le pharmacien n'est DU ou pas pour l'heure pas assez bien formé pour maitriser les connaissances de fond indispensables à un contrôle un tant soit peu efficace de nos ordonnances si tant est qu'il y en ait le moindre besoin. De toutes façon quand on dit à un pharmacien qu'il n'y connait rien dans notre secteur, il nous répond que si demain il devait délivrer plus de medocs vétos, il lui suffirait d'avoir un bon logiciel. Si la valeur du pharmacien n'est que dans son logiciel, on est assez grands pour se doter d'un tel logiciel.
Pour tout pharma qui malgré ce long exposé douterait encore des spécificités du monde véto et de l'absolue nécessité de maintenir la capacité de délivrance au véto (ce que j'affirme même si mes confrères canins qui se sont précédemment exprimés évoluent dans un monde où l'impact économique de la délivrance du médicament est nettement plus marginal - encore que), ou encore pour tout pharma qui penserait qu'on force les gens à ce que l'ordo soit délivrée chez nous, il est tout à fait possible d'organiser un stage pendant ses congés pour qu'il vienne voire ce que c'est en vrai. Je peux planifier d'en accueillir, je suis sûr que tout pharma ouvert d'esprit et curieux reverra sa position à l'issue.[/quote]