Mis en place il y a plus de 25 ans, le numerus clausus d’accès en 2ème année s’avère délétère, car il prive aujourd’hui la profession des effectifs dont elle a besoin pour assurer sa mission de santé publique.
L’augmentation progressive depuis cinq ans du nombre d’étudiants en pharmacie admis à poursuivre leurs études arrive trop tard et son ampleur est trop faible pour que le paysage officinal puisse en être favorablement impacté avant au moins une dizaine de promotions.
D’ici là, le système de santé et la profession pharmaceutique aura connu des bouleversements comme jamais depuis plus de 50 ans notamment au travers des départs en retraite des baby boomers d’ici à 2017.
Le système de santé français, a été conçu après la 2ème guerre mondiale et s’est développé au travers d’une période de croissance économique particulièrement forte, les trente glorieuses.
Au-delà, depuis le premier choc pétrolier en octobre 1973, l’essentiel de la stratégie sous-jacente en matière de protection sociale et d’assurance maladie a été le maintien du statut quo au prix de forts nombreux plans de « sauvetage » et de non moins nombreuses mesures et dispositions de rafistolage et de colmatage des déficits successifs.
Aujourd’hui il n’est plus raisonnable que la protection sociale ne repose pas sur des ressources et ses dépenses équilibrées, que le vieillissement de la population tant dans ses aspects quantitatifs que qualitatifs ne soit pas pris en compte, que le maintien de ce système vieux de plus de 60 ans puisse continuer à laisse reposer son financement sur les générations futures, sur nos propres enfants.
La profession pharmaceutique va donc connaître rapidement des évolutions importantes qui suscitent légitimement une inquiétude largement partagée.
Or cette dernière se retranche pompeusement derrière les trois piliers de notre législation que sont: la propriété des officines réservées exclusivement aux pharmaciens, la répartition démo-géographique des officines sur le territoire et le monopole total des produits pharmaceutiques dans son réseau.
La Commission Européenne a récemment mis certains Etats membres en demeure de modifier leur législation sur ces points particuliers, dans la mesure où se trouve entravée la libre circulation des capitaux qui voudraient s’investir dans les entreprises et des professionnels qui voudraient s’installer chez nous, y compris en ouvrant plusieurs officines ou laboratoires d’analyses sur notre territoire.
La Cour de Justice de la Communauté Européenne est déjà saisie du problème de la propriété des officines et des laboratoires. Sa réponse est attendue pour le 1er semestre 2009.
La France n’est pas encore traduite devant la Cour de Luxembourg sur sa répartition géographique des officines, mais d’autres Etats le sont.
La jurisprudence qui se dégagera pour les pays concernés sera de fait transposable dans notre pays.
Dans ce contexte que penser des dommages collatéraux de la loi du 19 décembre 2007 qui pose pour les créations d’officine des conditions plus draconiennes. Le gel de toute nouvelle création pendant au moins deux ans et ce malgré l’accroissement continu de la population française.
La Commission européenne et à la Cour de Luxembourg perçoivent cette évolution comme un moyen de gagner du temps, une manière de prendre date, avant une éventuelle libéralisation.
L’application en la matière d’une jurisprudence européenne alliée à la dernière réforme française en date du quorum de population par officine aura le principal mérite de ne pas désigner de coupable direct à cette profonde mutation que sera l’abrogation du numérus clausus à l’installation.
Par ailleurs, certains circuits de distributions revendiquent le droit de faire commerce de médicaments courants, dans ce contexte, le gouvernement a pris un décret autorisant les pharmaciens à mettre en libre accès à la clientèle certains médicaments qui sont énumérés dans un arrêté d’application révisable.
Si les gens peuvent choisir leur médicament, se servir personnellement et passer directement par une caisse afin de régler leurs achats sans aucune intervention d’un pharmacien, force est de constater qu’il ne reste pas beaucoup d’arguments à opposer aux circuits commerciaux externes au milieu officinal qui voudraient commercialiser les mêmes produits en s’appuyant sur un espace dédié et des pharmaciens employés.
Comment démontrer face aux gouvernants français mais surtout face à la Cour de Luxembourg que l’indépendance professionnelle et le lien direct du titulaire avec sa clientèle justifient encore que la propriété de l’officine demeure dans les mains exclusives des diplômés en Pharmacie.
Est-ce là véritablement la meilleure défense que la profession dans sa globalité puisse ou doive adopter, ou plus prosaïquement le reflet de la simple défense de certains intérêts particuliers partagés par les titulaires actuels des fonds d’officines dont la valorisation ( en moyenne à plus de 8 fois l'EBE en 2007 ) bénéficie des dispositions actuelles régissant la profession.
D’autres arguent qu’une réforme du numérus clausus serait de nature à bouleverser le paysage officinal et à mettre en péril les officinaux récemment installés.
S’il est indéniable que toute modification est de nature à redistribuer les cartes, il est à noter qu’aucune indemnisation globale de la profession n’est recevable car les officines ne sont pas des charges mais des commerces.
Les modalités d’obtention des licences d’exercice sont par essence modifiables, il ne s’agit en aucun cas de supprimer la fonction de Pharmacien, comme cela est en cause pour les Avoués, mais de modifier les modalités d’installation des officinaux.
A ce propos que penser des pharmaciens installés qui ont bénéficié en leur temps, sans bourse délier, de la mise en place du numérus clausus à l’installation et de son impact sur la valeur de leur outil de travail et de leurs confrères qui n’étaient pas encore installés lors de la parution de cette loi et qui l’ont subi arbitrairement à leurs dépends.
La période actuelle est sans conteste possible la plus propice à cette évolution de part le faible nombre observé de nouveaux installés, tout particulièrement les primo titulaires.
Mais la défense de la pharmacie et de son art ne devrait-elle pas reposer plutôt sur les qualités des pharmaciens, c’est-à-dire leur exercice personnel effectif, leur compétence et sa remise à niveau constante ainsi que l’étendue des services que les officinaux sont susceptibles de rendre aux patients.
Mes quelques réflexions du jour pour animer le débat. ;-)
El Gringo
Message édité par : ElGringo / 16-08-2008 15:58