Un collectif de pharmacien allerte la présidente de l'ordre des pharmaciens dans une lettre ouverte dont je me fais le relais.
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Madame la Présidente de l'Ordre National des Pharmaciens,
Nous faisons partie d'un groupe de pharmaciens « Pharmaciens en reconversion (France) » (officinaux pour la majorité), nous vous écrivons cette lettre afin de vous partager quelques réflexions.
Notre situation se dégrade depuis quelques années, la crise sanitaire a été incontestablement le point d'orgue qui a révélé des dysfonctionnements majeurs ; si nous ne faisons rien, cela risque de s'aggraver davantage.
Le constat est sans appel : 15 000 postes de pharmaciens adjoints et préparateurs sont vacants en France métropolitaine, 1100 places n'ont pas été pourvues par des étudiants cette année au sein des facultés de pharmacie. Depuis la crise sanitaire, nous assistons à une crise des vocations.
...
Nous avons la chance d'avoir un beau métier, un métier d'utilité publique et qui recrute, et pourtant, le cœur et la motivation n'y sont plus, tant et si bien que nous sommes nombreux à vouloir nous reconvertir. Le marché du travail n'a jamais été aussi porteur et le nombre de pharmaciens en reconversion ne cesse de croître.
Il est urgent de redorer le blason de la profession en augmentant son attractivité.
Voici les points problématiques que nous avons soulevés ainsi que les solutions que nous avons évoquées, sachant que certains points mentionnés ne concernent pas directement l’Ordre.
1) Le métier
Il est nécessaire de réformer et de moderniser le système actuel.
Le pharmacien adjoint souffre d'une incohérence intrinsèque à son statut. Notre diplôme nous confère le statut de cadre d'emblée mais en pratique, nous encadrons rarement l'équipe et nous n'en avons pas les compétences (management, stratégie...). Il faudrait qu'une formation en management puisse être proposée aux pharmaciens (titulaires et adjoints confondus) car nous sommes bien souvent démunis face à certaines situations.
Le pharmacien adjoint devrait être davantage inclus dans la politique managériale et ne plus être considéré comme un salarié lambda ou un simple exécutant. Les décisions devraient être prises collégialement au sein d'une pharmacie et non unilatéralement. Il faudrait que le pharmacien adjoint puisse exercer librement sans avoir à subir des décisions qui vont à l'encontre de la déontologie.
Il serait aussi judicieux d'inclure l'adjoint dans des missions spécifiques, que son rôle soit clairement défini au sein de l'équipe, qu'on puisse le distinguer des autres salariés de l'officine. Un adjoint devrait avoir la possibilité de prendre des initiatives sans craindre de représailles/révoltes du reste de l'équipe et sans forcément passer systématiquement par le titulaire pour des changements sans grande envergure par exemple.
Les pharmaciens adjoints sont pénalisés car on leur refuse l'accès aux postes hospitaliers en exigeant des diplômes supplémentaires. Il faudrait leur permettre de pouvoir embrasser différentes carrières moyennant des remises à niveau et des formations. Ces allégements permettraient d'avoir une meilleure adéquation entre l'offre et la demande en milieu hospitalier ; ils permettraient aussi à des pharmaciens officinaux (ou industriels) de valoriser leur diplôme dans le cadre d'une reconversion professionnelle.
La rentabilité ne doit pas se faire au détriment de la qualité. On devrait recentrer le métier sur le médicament et sur la qualité à tous les niveaux dans un but d'amélioration continue. Ainsi, nous gagnerons en efficacité, il y aurait une meilleure observance et moins d’accidents iatrogènes ; ce qui engendrerait à terme des économies de santé.
Voici quelques activités qu'il serait bien de mettre en place/généraliser : avoir la possibilité de proposer des entretiens pharmaceutiques, donner au pharmacien un rôle global de contrôle, lui permettre de réajuster/ renouveler des traitements chroniques, lui permettre de délivrer des médicaments listés dans des cas précis et avec un protocole prédéfini. Somme toute, il serait bien de créer un statut de “pharmacien prescripteur”, notamment dans un contexte de désertification médicale.
Concernant le manque de temps : proposer du télétravail pour certaines tâches comme le double contrôle des ordonnances, la rédaction de procédures, le traitement d’anomalies ou encore le traitement des rejets par exemple. En pratique, il est difficile de s'octroyer du temps avec le manque d'effectifs et le travail au comptoir ; le télétravail semble être la seule solution viable aux tâches ne nécessitant pas la présence physique. La rémunération pourrait être adaptée à ce cas de figure.
Les horaires sont incompatibles avec une vie de famille et la qualité de vie en est impactée.
Nous souhaiterions que les temps de pause et les jours de repos hebdomadaires soient respectés:
« Après 6 heures de travail continu, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes consécutives. »
« Le repos hebdomadaire est donné le dimanche. Sa durée est de 1 jour et demi consécutif au moins, soit 36 heures, dont 1 demi-journée accolée au dimanche. Cette demi-journée s'entend comme ayant une durée de 12 heures consécutives qui ne peuvent être fractionnées de part et d'autre de la journée du dimanche. »
(Convention collective nationale de la pharmacie d’officine Article 13)
Voici quelques propositions susceptibles d’améliorer les conditions de travail:
-avoir la possibilité de s’asseoir au comptoir
-renforcer la confidentialité au comptoir en réorganisant les agencements, éventuellement installer des bureaux avec des séparations
- utiliser les caméras uniquement pour un objectif de sécurité
-disposer d’une salle de pause décente
-respecter les règles de dispensation et soutenir l’adjoint quand il est en règle
-avoir un meilleur encadrement du côté commercial en bannissant tout objectif de vente sur les produits de parapharmacie y compris toute technique incitative comme les challenges des laboratoires.
-encadrer davantage la délivrance des produits stupéfiants sujets à dérive (ex: Subutex, Méthadone) voire éventuellement proposer cette délivrance dans des structures plus adaptées afin de préserver la sécurité de l’équipe et de la patientèle.
La grille des salaires est désuète, les salaires devraient être mis à jour.
Une majoration de la rémunération de 10 à 20% après 19h et les week-end pourrait être envisagée.
Il serait judicieux de valoriser les personnes qui s'investissent davantage et instaurer une prime au mérite , récompenser ceux qui réalisent les tests/vaccins/entretiens avec un pourcentage ou une somme déterminée (paiement à l’acte).
Il serait plus juste que l’indemnité de la sécurité sociale aille à la fois au titulaire et au vaccinateur (via notre code RPPS utilisé en ligne par exemple).
2) Les études
Il serait appréciable d’avoir des cours qui mettent moins l'accent sur l'apprentissage par cœur, et d’avoir des cours plus axés sur la pratique, notamment les pratiques courantes à l’officine comme l’utilisation des dispositifs médicaux (tire-lait, aérosols, inhalateurs, l’orthopédie). Aussi, il serait bien d’avoir des stages officinaux qui permettent d'être plus en contact avec les patients, les connaissances théoriques seraient ainsi mieux ancrées.
Il serait pertinent d’inclure des formations de management dans le cursus (management humain et management de projet) et avoir plus de cours d’informatique.
3) L'Ordre
Il serait bien que des membres de l’Ordre rencontrent des pharmaciens sur le terrain pour que ces derniers puissent évoquer les difficultés auxquelles ils sont confrontés au quotidien.
La cotisation à l'Ordre devrait être modulée en fonction des situations : il n'est pas cohérent de faire payer la même cotisation qu'on soit à temps partiel ou temps plein.
Les titulaires doivent payer une cotisation personnelle deux fois plus chère et une pour leur pharmacie, est-ce bien pertinent ?
En cette fin d'année, nous espérons que 2023 sera une année qui apportera des changements positifs.
Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente de l'Ordre des pharmaciens, notre haute considération.
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