Les mutations qui touchent la Pharmacie dans son ensemble sont parfois
d’une réalité très concrète lorsqu’elles s’expriment dans le cadre de
l’exercice professionnel quotidien. Modifications réglementaires,
innovations techniques ou thérapeutiques et autres bouleversements
administratifs constituent autant de changements dont chacun apprécie
facilement la portée.
Dès lors que ces transformations se situent sur un terrain qui semble
plus abstrait, il est souvent moins aisé de s’imaginer toutes les
conséquences potentielles, y compris dans des domaines inattendus.
Si cette hypothèse peut paraître fantaisiste, quoique néanmoins plausible, une autre considération mérite d’être examinée.
Si, pour l’instant, le capital de l’officine ne peut être détenu que
par un ou plusieurs pharmaciens, les dispositions de la loi MURCEF -
dont on attend la parution des derniers décrets – prévoient la
possibilité pour un pharmacien d’investir dans d’autres officines que
la sienne en achetant des parts de celles-ci.
Sans entrer dans le détail technique et complexe du dispositif, on
observe une tendance à voir se développer ce type de structure où le
capital d’une officine est détenu par plusieurs pharmaciens, pouvant
constituer ainsi des « pseudo-chaines » de pharmacies en cascade où un
pharmacien détient la part majoritaire de son officine et des parts
dans deux ou trois autres officines et ainsi de suite…
Que trouver à redire à ce schéma tant que la légalité est respectée ?
Certains aspects méritent d’être analysés un peu plus finement.
Première question : l’ouverture du capital aux adjoints peut paraître
très positive. En effet, faute de reconnaissance et de rémunération
appropriée, la possession de parts de l’officine peut paraître
valorisante. Mais encore faut-il en avoir les moyens, les salaires
étant ce qu’ils sont, à moins d’être fils de titulaire !
Outre cette réserve, certains employeurs seraient tentés de poser le
problème du statut de l’adjoint qui possède une part du capital de
l’officine : est-il toujours un salarié ? On essaiera de le convaincre
que les droits et garanties définis par la Convention Collective ne
s’appliquent plus à lui. Posséder 5% du capital n’a pas pour effet que
l’adjoint devienne taillable et corvéable à merci, exonéré de tout
droit et de toute protection.
Deuxième exemple : Dans ce cas de « pseudo-chaines » de pharmacies, que
devient le lieu de travail des salariés ? En fonction des journées de
forte activité, on tentera d’envoyer, au pied levé, tel ou tel salarié
dans l’une ou l’autre des officines pour rogner la masse salariale
globale ? On le voit, les conséquences sont pratiques, concrètes et
potentiellement douloureuses.
Troisième illustration, plus insidieuse encore : on connaît tous
l’image classique de la grande entreprise où les actionnaires prennent
des décisions drastiques d’autant plus facilement qu’ils ne connaissent
ni ne voient jamais les salariés. Sans vouloir noircir le tableau, les
officines possédées en cascade par différents titulaires risquent de
reproduire ce schéma peu enviable !
S’il est parfois difficile de travailler dans une très petite
entreprise au contact direct et permanent de l’employeur, au moins le
salarié est connu. Ses compétences, son savoir-faire, sa personnalité
sont identifiées et le dialogue est possible. C’en serait fini de ce
type de relation à taille humaine avec le schéma qui nous occupe :
l’économie de la SEL passe avant tout ! Il faut faire des économies
d’échelle : faisons tourner telle personne et dégraissons !
L’actionnaire et l’actionné… C’est la logique de l’actionnariat dans
toute sa splendeur déshumanisée : seule la rentabilité compte. Ce n’est
malheureusement pas de la science-fiction : c’est peut-être l’image de
la Pharmacie d’Officine de demain.
Comment réagir à ces pseudo-chaines de pharmacies ? Par une véritable
chaîne mais de solidarité celle-là de salariés au sein du Syndicat
afin de garantir et préserver les droits existants qui s’appliquent à
tous les salariés et, mieux, en acquérir de nouveaux. Notre solidarité
est la seule façon de ne pas subir ce cauchemar…
Il y a là matière à réflexion et surtout à action !
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