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Géomarketing : Profilage des populations : méthode & étude de cas -

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Un article proposé par Florian Schramm,

PharmacienEntrepreneur.fr

Profilage de la population : méthode

On va étudier et catégoriser avec intérêt la population environnante de l’officine, pour savoir à quelle classe socio-professionnelle on a affaire. Dans cette quête, les informations fournies par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) se révèlent être essentielles. On prendra soin d'identifier le quartier IRIS (Îlots regroupés pour l'information statistique, tels que les découpe l’Insee) dans lequel la pharmacie est implantée ainsi que ceux d'où proviennent les patients, en superposant la carte des IRIS avec la zone de chalandise précédemment établie. Puis, quartier par quartier, dans le dédale d'informations fournies, on relèvera les données les plus pertinentes : - le nombre d’habitants - les revenus annuels moyens par unité de consommation et par ménage - la proportion de ménages non imposables - la répartition des habitants selon leurs professions et catégories socio-professionnelles, la part de chômeurs, de retraités - la part de la population couverte par l’Assurance Maladie bénéficiant de la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMUC) - la répartition par tranches d’âge - le nombre de naissances On rattachera la population à sa classe sociale, retenant la dimension économique de cette stratification en choisissant comme critère le niveau de revenus, et plus précisément les revenus annuels moyens par unité de consommation, plus appropriés que ceux des ménages car tenant compte de la composition du foyer. Si une définition consensuelle, aux contours biens délimités, de chacune de ces classes ne semble pas exister, on peut reprendre le découpage utilisé par le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (Crédoc) et l’Observatoire des inégalités en proposant une partition de la population en six classes sociales. En confrontant cette définition aux derniers résultats de l’enquête menée par l’Insee sur les revenus des ménages en France métropolitaine, il en ressort le découpage et les bornes suivants :

Partition des classes sociales

Cette analyse de la population n’est pas faite dans une optique où seules les pharmacies entourées d'un certain type de patientèle seraient dignes d'intérêt, mais dans le but de prendre une décision éclairée, en tout état de cause, sur son lieu d’exercice potentiel, et de pouvoir adapter son offre à la demande que laisse dessiner une telle population environnante. Il paraît par exemple sensé qu'on ne pourra pas développer trop fortement le rayon pour les enfants en bas-âge (laits infantiles, biberons, etc.) dans un quartier où le nombre de naissances est faible et où une forte proportion de la population est retraitée. Dans la même logique, il semble peu approprié de développer de la parapharmacie haut de gamme onéreuse, et axer le développement prévisionnel de l'officine convoitée sur ce pan de marché, dans un quartier de catégorie modeste, à faibles revenus, à forte proportion de ménages non imposables, de chômeurs et de CMUC. Il convient toutefois de garder à l’esprit l’orientation qui est dictée à l’officine depuis de nombreuses années, par les organismes payeurs dont elle est tributaire : le reste à la charge des patients dont les médicaments ne sont remboursés que partiellement ne fait qu’augmenter, le déremboursement complet de nombreuses spécialités s’amplifie, et la diversification des ventes vers des produits à plus forte marge, comme les produits conseil et de parapharmacie devient nécessaire (de par la baisse constante des marges sur les médicaments remboursés imposée par la Sécurité sociale). Il semble donc pour le moins prudent de cibler une officine entourée d’une population dotée, entre autres critères, d’un pouvoir d’achat approprié. A propos de ce pouvoir d’achat, il est intéressant de s’arrêter sur un paramètre important, le poids relatif des « dépenses contraintes » dans le budget des ménages. Principalement constituées des charges de logement (loyer, eau, gaz, électricité, chauffage), des dépenses de télécommunications et des frais d’assurances, ces dépenses pèsent proportionnellement plus lourdement dans le budget des catégories pauvres (48 % de leur budget, + 17 points en 16 ans, entre 1989 et 2005), modestes (46 %, + 14 points) et des classes moyennes inférieures (38 %, + 10 points). Pour les classes moyennes supérieures, les catégories aisées et les hauts revenus, ce poids est plus faible et en progression beaucoup moins rapide ; leur pouvoir d’achat restant après avoir fait face à ces charges sera donc plus élevé, tant en valeur absolue que proportionnellement. La dernière enquête de l’Insee sur le budget de famille laisse aussi apparaître que les dépenses annuelles pour les préparations et produits pharmaceutiques (englobant les produits pharmaceutiques, la parapharmacie et le matériel thérapeutique) des habitants appartenant aux classes moyennes supérieures, aux catégories aisées et aux hauts revenus sont les plus importantes (jusqu’à + 84 % par rapport à la moyenne nationale ; un ménage des catégories aisées dépensera en moyenne pour ce poste 2,37 fois plus qu’un ménage des catégories modestes). Il apparaît ainsi qu'une implantation devrait a priori être particulièrement pérenne dans un quartier dont les habitants, en nombre suffisant appartiennent à la classe moyenne supérieure (revenus annuels moyen par unité de consommation supérieurs à 21 500 €), avec une faible part de chômeurs et un nombre de naissances stable. Une telle disposition devrait autoriser un large spectre d'activités (parapharmacie, aromathérapie, optique, etc.) à développer par le nouveau titulaire. Enfin, il est important et même nécessaire de prévoir, d’anticiper, tout éventuel changement démographique, afin d’asseoir la pérennité de la reprise d’une officine. On devra donc s’attarder sur la tendance migratoire et l’évolution des variables de la population des quartiers constituant la zone de chalandise de l’officine : la population vieillit-elle, s’enrichit-elle, le nombre d’habitants augmente-t-il ? Ici encore, les données infracommunales de l’Insee se révèlent être essentielles pour répondre à ces questions.

Profilage de la population : étude de cas

Pour mettre en pratique les points vus précédemment, attelons-nous à profiler la population environnante d’une pharmacie que nous nommerons A, implantée dans le Sud de la France. Cette pharmacie A est implantée dans une zone périphérique résidentielle, composée d’immeubles où vivent 2 500 habitants, aussi pourvue d’une activité commerciale (supermarché, boulangeries, boucherie, coiffeurs, bar-tabac, banque). Les habitants de ce quartier se répartissent dans les classes moyennes inférieures. Voici quelques données les concernant : - les ménages déclarent un revenu annuel moyen d’environ 28 000 € (17 900 € par unité de consommation) - 50 % des ménages ne sont pas imposables - 70 % des salariés sont employés ou ouvriers - 7,5 % de la population couverte bénéficie de la CMUC - la part de chômeurs (proportion de chômeurs dans l'ensemble de la population) se situe dans la moyenne nationale, aux alentours de 5 % - la population est jeune (tranche d’âge la plus représentée : 30-44 ans) - 22 % de la population est à la retraite - le nombre de naissances est stable Mais plus encore que celle du quartier dans lequel elle est implantée, il apparait, grâce aux courbes isochrones qui permettent d’établir la zone de chalandise, que la pharmacie draine aussi une grande partie de la population appartenant à quatre autres quartiers situé plus au nord, à la limite de la commune, et qui se déversent vers l’officine dans une disposition en entonnoir.

 

Zones iscochrones et isométriques

Les habitants de ces zones résidentielles périphériques, composées de maisons individuelles, se répartissent entre les classes moyennes supérieures et les catégories aisées : - les ménages déclarent un revenu annuel moyen supérieur à 50 000 € (27 600 € par unité de consommation) - les professions intermédiaires sont majoritairement représentées, ainsi qu’une assez forte proportion de cadres et professions intellectuelles supérieures - la proportion de la population couverte bénéficiant de la CMUC est faible, de 1,7 % à 4,8 % - la part de chômeurs est faible, entre 2,8 % et 4,3 % - la répartition de l’âge est hétérogène, la population est globalement plus âgée - la proportion de retraités oscille entre 19 % et 33 % - le nombre de naissances est stable Relevons deux points dans la masse de données fournies par l'Insee qui peuvent avoir leur importance pour mieux cerner la population et conforter la pérennité économique d’une installation dans cette zone. Tout d’abord, il est intéressant de relever que les habitants de ces quartiers plus au nord présentent une indépendance relative vis à vis des salaires, c’est à dire que leurs revenus proviennent plus fortement que dans d’autres quartiers de revenus du patrimoine, de retraites ou de bénéfices. Enfin, le dernier décile, les 10 % des ménages aux plus hauts revenus, déclare en moyenne plus de 100 000 € annuels. La population du quartier IRIS au sein duquel l’officine est implantée a vu son nombre diminuer sensiblement en dix ans, entre les recensements de 1999 et de 2009, en passant de 2 621 à 2 497 habitants, soit une baisse modérée de 4,7 %. En revanche, sur cette même période, la population des quatre quartiers IRIS plus au nord, que dessert presque exclusivement la pharmacie ciblée, a augmenté de 15,8 %, passant de 6 263 à 7 255 habitants. Le nombre de naissances est pour sa part stable. La tendance démographique est donc globalement à la hausse dans l’ensemble des quartiers constituants la zone de chalandise de l’officine. De plus, de nouvelles habitations sont en construction à proximité directe, ce qui constitue un atout supplémentaire pour l’officine qui bénéficiera d'une patientèle renforcée. Zone périphérique

Voilà ainsi achevé ce profilage de la population environnante de l’officine ciblée ! C’est maintenant à vous de jouer, en appliquant cette méthode pour bien cerner l’officine que vous convoitez, afin de vous assurer, autant que faire se peut, une reprise pérenne !

Sources : - BELLAN Anaïs. "Zoom sur le géomarketing." Le Pharmacien de France, Décembre 2011. - BIGOT Régis. Les classes moyennes sous pression. Cahier de recherche n° 249. Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie, Décembre 2008. p. 6-11. - "Qui sont donc les classes moyennes ?." Observatoire des inégalités. 07, 2014. www.inegalites.fr/spip.php?article1015. - "Revenus fiscaux des ménages en 2010." www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=99&ref_id=base-cc-rev-fisc-loc-menage. - "Enquête Budget de famille 2006 - Dépense annuelle moyenne par ménage selon 6 critères sociodémographiques." 12, 2007. www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?ref_id=ir-bdf06&page=irweb/BDF06/dd/bdf06_serie_a.htm. - "Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Bases de données par communes, Iris et ZUS." www.insee.fr/fr/ppp/bases-de-donnees/donnees-detaillees/duicq/region.asp?reg=93. - Zones isochrones générées grâce à l’application géomarketing de Owl Apps (www.owlapps.net/application-geomarketing) basée sur les données de OpenStreetMap, Google & Navteq. - "Historique des tables IRIS - Table de référence des IRIS 2011." www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=zonages/iris.htm. [addsig]

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