Forum » » Cas de comptoirs » » Pilule pour chatte
Posté : 21-08-2016 17:03 
Bonjour à tous. Je profite que ma garde me cloue quelque peu à proximité d'un écran ce qui m'a permis de trouver par hasard ce forum... Où j'ai retrouvé l'intervention de pharma-espoir que j'avais repéré sur un forum grand-public de médecine vétérinaire où il m'arrive de me rendre.
Je posterai à la suite de ce message copie de mon intervention de réponse là-bas.
Pour me présenter dans les grandes lignes, je suis vétérinaire libéral en pratique mixte (c'est à dire chiens/chats/nac mais aussi vaches/brebis/chèvres et chevaux...).
Deux sujets principaux ici. Pour ce qui concerne les pilules pour chattes, la remontée qu'en a fait l'asv qui a initié le sujet est valide et correspond je pense au constat fait par la quasi totalité de la profession. Les pharmaco vigilances sont en partie remontées (ce qui a provoqué la sortie de ces pilules de la liste dérogatoires), mais ne permet pas un chiffrage efficace. La quasi totalité des Pharmacovigilances (PV) en médocs véto provient bien des vétos (ce qui n'est pas illogiques puisqu'on soigne les effets indésirables donc on est les premiers informés). On s'en acquitte, mais il est vrai qu'on shunte ce formalisme un peu trop facilement lorsque l'effet indésirable est déjà raporté et connu comme c'est le cas des infections utérines (et rétentions foetales) ou des tumeurs mammaires pilluloinduites. On serait plus rigoureux pour le faire à chaque fois, il est probable que ces médicaments soient supprimés.
Le fait qu'on refuse de les prescrire n'est pas une affaire d'argent : il y a très peu de vente de pilules par les vétos vs pharma (si on souhaitait les délivrer, on y parviendrait dans des proportion supérieures). On la déconseille systématiquement aux clients et nous sommes très nombreux à en refuser prescription et délivrance. Une partie des clients stérilise par la suite, mais une partie non négligeable ressort bredouille de chez nous (loin d'être rare... nous avons une conscience professionnelle, comme je pense et espère bien que la majorité des pharmaciens en dispose au moins pour l'humaine).
Quand on reçoit (régulièrement) un animal nécessitant totale et/ou chainectomie mammaire suite à la prise de pilule, on informe que la stérilisation précoce est préventive, on interroge sur la prise de pilule mais on évite en général de casser du sucre sur le dos du pharma qui l'a délivrée ou de culpabiliser le proprio. Ca ne grandirait personne. Et je n'ai aucun cas en mémoire où le client soit ensuite retourné râler auprès du pharma (il ne juge pas que le médoc véto est votre métier principal et donc attend sans doute moins de sérieux dans le conseil de votre part ?).
Pour ceux qui s'appuient sur la délivrance de la pilule humaine pour justifier celle du chat, je m'étonne que des professionnels et aussi bons connaisseurs habituellement des médicaments que vous mettent sur un pied d'égalité une pilule quotidienne microdosée et un espèce de bazooka antediluvien maxidosé hebdomadaire ou bimestriel !
ex : Diane 35 (acétate de cyprotérone) : 35 µg/prise/60kg (en moyenne) soit 0.58 µg/kg/prise
Megepil (acetate de megestrol) : 4450 µg/prise/4 kg (en moyenne) soit 1112.5 µg/kg/prise
La pilule pour chatte est donc près de 2000 fois plus dosée que celle pour femme. Sans compter que le propriétaire de chat ne sait jamais quand ça chatte a été saillie. La saillie chez la chatte provoque l'ovulation (à tous les coups on gagne) et l'arrêt des chaleurs. En début de chaleurs, celles ci peuvent facilement passer inaperçues. Il est donc extrêmement difficile sauf suite immédiate de couches ou traitement initié hors saison de repro d'être sûr que l'animal n'est pas gestant et donc ne va pas faire une rétention foetale avec infection en suivant. Si le chat survit, pour nous c'est 3 à 4 fois plus rentable que la stérilisation précoce et bizarrement, on fait quand même tout pour l'éviter (et alors si en plus on cumulait avec le bénefs au long cours sur les boites de pilules...). Nos conseils à ce sujet sont purement techniques et ne vous en déplaise, c'est parce qu'on essaie de bien faire notre travail et non par appat du gain.
quant aux messages internet sur la dangerosité du comfortis, il y en a bien davantage sur celle des pilules.
Concernant le comfortis, il y a en effet des effets secondaires parfois et des PV ont été remontées. Il a tout de même quelques indications intéressantes et des précautions d'administration diminuent le risque. Difficile de chiffrer à l'heure actuelle le risque ou de comparer le nombre de chats traités. Je le prescris peu mais ça représente quand même quelques dizaines de chats dans ma clinique. Aucun effet 2r grave rencontré (au pire un vomissement) sachant qu'on l'a référencé depuis sa sortie.
Très peu de pilules délivrées (pas aucune car il y a quand même quelques indications une fois les conseils et précautions bien exposées) soit moins d'une dizaine de chattes par an (voire seulement 1 ou 2) et plus d'une vingtaine de cas à priori par an d'effets secondaires rencontrés (opérés) mais comme je ne sais pas combien de mes clients administrent la pilule vu qu'elle est délivrée ailleurs et non prescrites... je peux pas comparer.
Pour les antipuces voie orale du chien, hormis deux cas de prurit facial durant 2h et sans conséquence, malgré des centaines (voire milliers) de chiens traités, là je peux affirmer que les effets secondaires sont très nettement plus rares que via les formes cutanées y compris le fipronil (même si c'est surtout via l'excipient en réaction locale). Notamment avec les dérivés de pyrèthres où ces effets indésirables sont régulièrement mortels.
Voilà pour le premier sujet.
L'autre étant les relations pharma/vétos... Les relations sont mauvaises vis à vis des quelques affairistes (mais elles le sont tout autant vis-à-vis de nos propres affairistes qui ne valent pas mieux). En dehors de ça elles sont plutôt bonnes. Nous prescrivons tous régulièrement en pharmacie des spécialités humaines quand elles n'existent pas en véto. Nous avons tous des clients pharmaciens... et sommes clients des pharmacies. nous avons tous des copains de prépas qui ont finalement fait pharma. Beaucoup d'entre nous ont de nombreux pharma dans leur famille (c'est mon cas... j'ai d'ailleurs passé le nouvel an du 01/01/2000 dans une pharmacie, mon oncle étant de garde ce jour là). Et on a régulièrement des amis pharma (il y a toujours quelque chose qui rapproche les professions de santé - même si il parait qu'on serait profession de service finalement)
La plupart des pharma autours de chez moi délivrent des antipuces (légalement) et divers biocanina ou clément thékan (souvent illégalement) et pilule (systématiquement illégalement). Connaissant notre point de vue ça gratte toujours un peu, mais en même temps la concurrence, c'est une émulation et ça permet de progresser. La quasi totalité des pharmas que je connais ne font que du dépannage (sauf antiparasitaires) et il n'est pas question que je m'en plaigne auprès d'eux, pire que je les plainte. Après tout, on piétine tous à un moment ou à un autre les plates bandes de quelqu'un tot ou tard. Et j'ai appris à apaiser en grande partie mon sentiment sur le sujet quand j'ai compris que plus que l'appât du gain, c'est littéralement une question de principe viscérale qui fait penser aux pharmas qu'ils sont les (seuls) spécialistes du médicament, ce à quoi notre statut de pro-pharmacien (dans notre domaine restreint) est une entaille difficile à intégrer et comprendre. Et je respecte ça.
Il y a cependant d'autres points de vue et façons de voir les choses, et je pense que beaucoup au moins comprendraient le nôtre en connaissant mieux le quotidien de notre métier.
Un stage de chacun chez l'autre serait peut-être bénéfique pour les 2 professions
PS : hors affairistes (et je vous épargnerai donc les travers des vôtres), nous n'envoyons pas d'ordonnances sans examen en rurale. Il y a des conditions strictes à la prescription hors examen clinique (rappelons que c'est vis-à-vis d'un professionnel et pour des affections très courantes dans son élevage : une visite véto à chaque mammite serait économiquement non viable pour l'élevage) . Nous les respectons.
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