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damien-en-mer

Forum » » Les inclassables » » Les génériques, appel d'experts !


Posté : 29-06-2009 14:28 icone du post

Bon. Je me lance.

Mon cher Rabinovitch, je ne suis qu'un humble pharmacien adjoint. Je n'ai donc pas eu le loisir de tâter beaucoup de gestion de stock jusqu'à présent. Ce dont je peux témoigner, en revanche, c'est de mon expérience au comptoir.

J'ai fait mes premières saisons dans une officine en tant qu'étudiant en pharmacie en 1998 et 1999. 1999 est l'année où est arrivé le droit de substitution : un pharmacien pouvait dès lors remplacer un médicament prescrit par un médecin par le médicament équivalent de son choix, à condition que ce dernier soit moins cher que la spécialité prescrite.
Il a fallu quelques années pour que la notion de génériques soit connue et comprise par le plus grand nombre. Grâce au long travail de patience et d'éducation de nombreux confrères. Mais il arrive encore aujourd'hui de rencontrer des clients qui n'en ont jamais entendu parler. D'un autre côté, on ne va pas leur en vouloir de ne pas tomber malade assez souvent et de ne pas scotcher devant leur TV.

La première réaction du patient-client dépend de la façon dont il a entendu parler du générique ; s'il en a entendu parler comme un progès dans les media, il est assez souvent demandeur. Idem si c'est son médecin qui les lui a suggéré. Mais quand c'est son pharmacien qui lui propose, il se demande, légitimement, si tout cela est bien dans son intérêt à lui. D'autant que pendant longtemps, le pharmacien a eu un net intérêt financier à vendre du générique plutôt que du princeps. Le résultat dépend alors de la relation de confiance qui s'est instaurée ou non entre le pharmacien et le client. A chaque confrère de MERITER cette confiance.

Certains confrères en situation de concurrence ont néanmoins joué la carte de ne pas substituer, sans doute afin de ne pas perdre leurs clients inquiets à l'idée qu'on leur donne un médicament qui n'a pas le même nom que celui qui a été prescrit. Moi qui exerce en milieu touristique, j'ai remarqué que de nombreuses pharmacies franciliennes étaient parmi celles-là jusqu'il y a quelques années, avec l'instauration du "tiers-payant contre génériques".

Beaucoup de fantasmes entourent aussi le générique, qui serait vecteur d'allergies. En fait, l'explication est simple : les excipients (substances autres que le principe actif) n'étant pas les mêmes dans le princeps et dans ses différents génériques, on peut être allergique à l'un sans être allergique aux autres. On peut donc tout aussi bien être allergique à un princeps et pas à son générique. Malheureusement, des médecins prompts à caresser leur clientèle dans le sens du poil "de peur de..." jouent la carte de les entretenir dans ces craintes irrationnelles.

Autre point sensible : les antibiotiques. Par nature, un antibiotique peut rencontrer des bactéries résistantes. En pratique, on peut donc rarement être assuré par avance de l'efficacité d'un antibiotique. En cas de résistance, un autre antibiotique doit être prescrit après constatation de l'échec du premier traitement. Pour peu que le pharmacien ait délivré un générique la première fois, certains médecins n'hésitent pas à reporter la faute sur le générique, de peur que leurs patients pensent qu'ils sont de mauvais médecins parce qu'ils n'ont pas prescrit le "bon antibio". Ils prennent néanmoins bien soin de ne pas represcrire le princeps correspondant : ils proposent un autre antibiotique. Le pharmacien, pour des raisons commerciales, se trouve contraint, cette fois, de ne pas substituer. Bien sûr, le deuxième traitement fonctionne et conforte le patient dans l'idée que les génériques sont moins efficaces. On a beau, derrière notre comptoir, constater l'absurdité du raisonnement, les quelques minutes dont nous disposons avec notre client sont insuffisantes pour lui faire changer d'avis sur ce qui fait pour lui office de bon sens.
Le cas du médecin qui se défausse sur les génériques ne se limite malheureusement pas qu'aux antibiotiques.

D'autres questions méritent aussi d'être posées : par exemple, un sujet a fait débat sur ce forum il y a quelques mois : certains génériques de la d é pa k i n e auraient présenté des différences pharmacologiques significatives avec leur princeps, entraînant des effets graves chez les patients. Info ou intox ? La question mérite d'être posée, de façon ouverte, tant la santé des patients doit rester prioritaire sur la question financière et tant les labos fabriquants des princeps sont prêts à faire feu de tout bois pour contrer les génériques, que ce soit en introduisant le doute sur leur qualité, en sortant sans arrêt de nouveaux dosages ou en recourrant à des subterfuges comme S E R V I E R, qui a changé le dosage nominal du C O V E R S Y L sans changer le dosage en pricipe actif et se trouve aujourd'hui en litige avec le seul génériqueur de ce médicament.

Pour autant, je ne prétends pas que les laboratoires produisant du générique sont des saints. Leur seule raison d'être est de copier ce qui se fait déjà en limitant les coûts. Il s'agit dès lors de rester vigilant, afin de s'assurer que ces économies ne soient jamais faites au détriment de la sécurité. C'est un des rôles de l'AFSSAPS. On sort ici du petit monde de l'officine.

A noter également que dans le cadre du protocole "tiers-payant contre génériques", les infractions à la règle n'entraînent pas de sanctions ou alors de façon marginale. En tous cas dans mon département.

Je conclus en disant qu'à titre personnel, je suis un consommateur de génériques et que je n'hésite pas à en donner à mon fils.

Tu peux donc constater à quel point il est difficile de trouver un équilibre satisfaisant dans un secteur qui brasse beaucoup d'argent, touche à la santé et donc à un point sensible d'un consommateur final qui n'a pas les armes pour comprendre tous les tenants et aboutissants du problème et se trouve par ailleurs confronté à des informations contradictoires qui ont parfois plus à voir avec de la stratégie commerciale qu'avec de l'éducation sanitaire.


Bon courage pour ton étude.

Damien.

http://apab.asso-web.com

Cet article provient de Pharmechange
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