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Whoops

Forum » » Cas de comptoirs » » M*diator...et la responsabilité des prescripteurs?


Posté : 10-01-2011 17:11 icone du post

A propos de l'étude portant sur les conséquences du benfluorex, je cite ici ce qu'en rapporte Prescrire (n°327-p21) :

"En novembre 2010, l'AFSSAPS a fait état d'une deuxième étude de l'assurance maladie qui a porté sur 303000 assurés du régime général exposé au benfluorex en 2006. Le suivi a été de 4 ans (2006 à 2009) pour l'analyse des hospitalisations pour valvulopathies et 4,5 ans pour les décès. 597 patients ont été hospitalisés au moins une fois pour insuffisances valvulaire ou polyvalvulopathie, 50% ont subi une intervention chirurgicale pour remplacement valvulaire et 64 sont morts, dont 33 après chirurgie cardiaque. 46 décès sont imputables à une valvulopathie. Le risque d'hospitalisation pour valvulopathie a diminué de manière importante deux ans après l'arrêt du benfluorex.
Il a été estimé, pour une exposition de 7 millions de personnes-années entre 1979 et 2009, qu'environ 500 décès ont été imputables au benfluorex. Le risque d'hospitalisation est apparu d'environ 0,5 pour 1000 patients exposés. Le risque a été étudié pour un suivi de 5 ans, sans estimation à plus long terme. Une sous-estimation est possible du fait du codage hospitalier, de la non-prise en compte de certaines hypertensions artérielles pulmonaires, etc.
"

Les journalistes de la presse non spécialisée font dans le sensationnalisme ? Oui, ils ont tendance à mettre en avant les informations qui ont des chances de faire vendre.
Mais ce que je leur reprocherais plutôt ici, c'est de ne s'intéresser à une information que lorsque le mal est fait et qu'ils tiennent quelque chose "d'impressionnant", plutôt que de relever en leur temps les nombreux signaux d'alarmes qui ont été tirés durant toutes ces années où les dangers du benfluorex étaient déjà pointés. Ils auraient pu contribuer alors, grâce à leur capacité à démultiplier l'impact de ces signaux, à prévenir le laisser-faire ou la complaisance qu'ils attaquent aujourd'hui.
Et sur les conséquences du benfluorex, ce ne sont pas les journalistes qui ont créé l'information, ce n'est donc pas elle que cette histoire me fait remettre en cause.

On fait beaucoup de bruit avec le benfluorex ? Est-il normal qu'une molécule dont on sait qu'elle peut aller jusqu'à provoquer des décès, et alors même qu'elle n'a apporté la preuve d'aucun bénéfice clinique, soit maintenu sur le marché pendant des décennies ? Est-ce que cela n'est pas de nature à inciter les journalistes qui s'intéressent enfin à ce type de problème à s'interroger sur les raisons d'une telle décision ?
Quand on voit que ça touche un laboratoire pour lequel il existe une grande tolérance concernant sa stratégie de mise en échec de la substitution (ce n'est pas le seul), et pour qui l'on pourrait dire qu'un taux de remboursement tout nouveau tout beau aurait pu être créé en son temps pour amortir le choc d'un déremboursement brutal des veinotoniques, est-ce que ça ne peut pas là non plus pousser la presse à investiguer sur les relations qui peuvent exister entre décideurs et laboratoires quand ce qui en découle influe directement sur la santé des gens ?
Encore une fois, le remue-ménage de ce dernier mois semble à mon sens davantage bruyant par contraste avec le silence qui l'a précédé qu'exagéré.

Alors le pharmacien dans tout ça, effectivement, que peut-il faire ? Il peut certes discuter avec les prescripteurs. Ceux-ci ne sont pas toujours ouverts au dialogue. Il peut avertir ses patients au moment de la délivrance. Mais il faut également bien veiller à ne pas les effrayer au point de leur faire renoncer à un suivi correct de leur traitement, dans son ensemble. Et puis "ah oui. bon, mais c'est le médecin qui me l'a marqué"... la confiance envers le prescripteur est souvent forte (tant mieux pour lui).
Ce qui est sûr par contre, c'est que le pharmacien peut d'une part s'informer, pour être prêt à donner l'alerte en cas de signalement d'effet indésirable suspect par les malades. Il est souvent le professionnel de santé auquel ce dernier se réfère le plus fréquemment.
D'autre part et surtout, je pense que le pharmacien peut également s'investir pour contribuer à faire reculer cette indifférence qui est loin de se limiter au seul benfluorex et donner plus de poids aux propos des voix dissonantes et indépendantes qui s'y opposent. Le jour où ceux-ci seront systématiquement entendus et pris en compte, je pense qu'on pourra déjà être assez fiers de ce que l'on aura fait (... mais c'est pas demain la veille). C'est une démarche active pour ne pas être qu'un simple spectateur impuissant et c'est entre autre, dans mon cas personnel, une motivation supplémentaire pour m'abonner par exemple à Prescrire et aider à faire vivre ce genre de revue.

Message édité par : Whoops / 10-01-2011 18:22


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